Qu’est-ce que la nation ? Et comment comprendre les concepts de patriotisme et de nationalisme dans l’histoire de la France ?
Ces termes, si répandus aujourd’hui, sont en réalité des constructions récentes dans le vocabulaire moderne. Au départ, l’idée de « nation » semblait étrangère aux mentalités médiévales.
Ce sont les Parlements, représentants des intérêts du Roy et censés assurer la justice, qui revendiquèrent en premier la représentation de la Nation. Leurs revendications se heurtèrent à une forte résistance, notamment avec Louis XV, qui défendit l’État de justice, dans son fameux Discours de la Flagellation.
C’est au moment où le Tiers-État se proclama « Assemblée nationale », à l’aube de la Révolution, que les prémices du nationalisme moderne se firent entendre. La « nation » était en gestation, mais elle prenait déjà une direction totalement différente de celle imaginée par les monarques.
L’introduction du nationalisme et du libéralisme se fit en rupture avec l’unité organique du royaume sous l’égide du Roy. Au fil du temps, des idéologies concurrentes se sont multipliées, marquant le déclin de l’unité nationale en faveur d’un individualisme de plus en plus affirmé. La question de la justice et du bien commun, fondement de la royauté, sembla s’effacer face à des intérêts privés, poussés par une notion nouvelle de « nation » au sens que Malesherbes lui donne : un ensemble d’individus désireux de revendiquer leurs droits.
Or, l’identité française n’est pas née d’un concept moderne mais d’une histoire longue, ancrée dans la conscience collective dès le XIIe siècle.
Sous la dynastie capétienne, l’unité du royaume est d’abord symbolisée par la figure du Roy, seul capable d’incarner la cohésion du peuple. Cette unité se fait ressentir tant dans l’espace géographique que culturel de la France, renforcée par l’unification de la langue et de la religion. C’est à cette époque que le terme « la France » désigne non seulement un territoire, mais une identité collective.
La vision du royaume comme un « corps vivant » où le Roy est à la fois la tête et le guide du peuple remonte à l’époque médiévale. Ce lien organique, entre le souverain et ses sujets, constitue une vision profondément enracinée dans la pensée politique de l’époque, où le monarque est perçu comme le garant de l’harmonie et de l’équilibre social.
La Révolution française marque un tournant radical. L’idée de la « nation », jusque-là intimement liée à la monarchie, se sépare de plus en plus de l’image du Roy. Les Parlements du XVIIIe siècle, qui étaient censés conseiller le souverain, se sont rebellés et ont revendiqué un pouvoir législatif et une légitimité au nom de la Nation. Ils affirmaient représenter le peuple, et non plus seulement le monarque. Cette rupture se cristallise le 20 juin 1789, lorsque les représentants du Tiers-État se déclarent « Assemblée nationale ».
La Nation révolutionnaire n’a plus rien à voir avec l’idée d’unité organique sous la monarchie. Elle devient un concept abstrait, idéologique, qui cherche sa légitimité en opposition au pouvoir royal. Ce qui semblait être une continuité, une relation organique entre le Roy et son peuple, se transforme alors en un affrontement, une dislocation. Les idéaux révolutionnaires ont alors créé une nouvelle forme de nation, fondée sur l’idée d’individualisme et de droits, mais déconnectée de l’histoire et des racines profondes du pays.
La fin de la monarchie a marqué la fin d’une ère. L’exécution de Louis XVI, en 1793, est le point culminant de cette rupture. La Nation qui émerge après cette tragédie est une nation déconnectée de son passé, déracinée, sans cap, sans but.
Les conséquences ont été dramatiques. L’effondrement de l’harmonie sociale, la perte de la souveraineté et la privation des héritages culturels et spirituels ont transformé la France. La nation révolutionnaire, dévitalisée, a finalement engendré des périodes de chaos, d’invasions, et de déclin.
Au fil des décennies, l’histoire, l’identité collective et l’unité sociale se sont progressivement effacées, au point de laisser place à un nationalisme déconnecté de la profondeur historique et spirituelle du royaume.