Le troisième jour du procès de Joël Le Scouarnec, 76 ans, ancien médecin généraliste de Pont-Scorff (Morbihan), a révélé des tensions familiales explosives et un système de prédation méthodique. Jugé pour « violences sexuelles aggravées sur 299 patients » dont des mineures dès 9 ans, l’homme a reconnu avoir « dévasté [sa] famille » devant sa cousine.
« Tu as volé l’innocence de centaines d’enfants » : l’ex-épouse brise enfin le silence.
L’audition très attendue de l’ex-épouse de l’accusé a tenu la cour en haleine. « Je ne voulais pas voir. J’avais peur pour mes fils », a-t-elle confessé, visage fermé, face aux victimes qui scrutaient chaque mot.
« Vous saviez qu’il recevait des fillettes le soir ! », a interpellé Amélie.
Lévêque, 34 ans, violée à 9 ans lors d’une consultation. La femme, étranglée par l’émotion, a balbutié : « Il était respecté… Comment croire ça d’un père modèle ? »
Pour Me Marie Grimaud, avocate de 39 victimes, ce témoignage illustre « l’omerta familiale » ayant permis les crimes.
« Les proches ont préféré protéger le clan plutôt que les enfants », assène-t-elle.
Plus tôt, le frère de l’accusé a jeté un pavé dans la mare : « Son ex-femme était au courant. Elle a fermé les yeux », a-t-il lancé, sans fournir de preuves. Des propos qualifiés de « règlement de comptes » par la défense. Mardi, deux des trois fils de l’accusé avaient décrit un père « aimant » mais héritier d’une « dynastie du silence », marquée par un grand-père incestueux.
« Sa perversion a éclaté comme une bombe », a résumé l’aîné.
Déjà condamné en 2023 à 15 ans de prison pour viols sur mineurs, Le Scouarnec risque aujourd’hui la perpétuité. Les faits, commis entre 1998 et 2017, révèlent un « système de prédation organisé », selon l’accusation : consultations bidons, cadeaux aux enfants, menaces aux familles.
Parmi les victimes, beaucoup espèrent enfin une reconnaissance. « Il a détruit ma vie, mais aujourd’hui, c’est lui le fantôme », souffle une plaignante, montrant une ordonnance signée de sa main.
Les habitants de Pont-Scorff disent : « On l’a tous consulté. C’était le médecin rassurant… ».
Le verdict, attendu vendredi, pourrait marquer un tournant dans les affaires de pédocriminalité en France. Mais pour les victimes, le combat ne s’arrêtera pas là : la justice ne rendra pas l’enfance aux victimes, mais elle peut briser le silence.
En France, 444 700 plaintes pour violences sexuelles sur mineurs ont été enregistrées en 2023, soit une hausse de 7 % en un an. Pourtant, ces chiffres ne reflètent qu’une partie du drame : 1 enfant sur 5 serait victime avant ses 18 ans, selon l’association Face à l’Inceste. L’inceste représente 33 % des cas, mais seulement 5 % des victimes osent porter plainte. Dans 90 % des situations, l’agresseur est un proche (famille, éducateur). Malgré la loi de 2021 fixant l’âge du consentement à 15 ans, seules 10 % des plaintes aboutissent à une condamnation, faute de preuves ou par retrait des victimes.
Face à l’urgence, le numéro 119 (Allô Enfance en Danger) traite 30 000 appels par mois. Des chiffres qui laissent imaginer l’ampleur du désastre auquel nous sommes confrontés.